Une pépinière de jeunes talents européens qui fait la part belle aux formes animées
Le Mouffetard – Théâtre des arts de la marionnette, le Théâtre Paris-Villette et le Théâtre aux Mains Nues s’associent pour ce festival biennal qui donne la parole au jeune théâtre de formes animées. Des spectacles hardis qui s’inventent hors des sentiers battus : voilà ce qu’on peut s’attendre à voir aux Scènes ouvertes à l’insolite. Une vraie prise de risque artistique pour ce festival « écloseur des talents.»
Parce que la marionnette est par nature protéiforme, elle est un formidable vecteur pour raconter le monde. Marionnette portée ou corps-castelet, théâtre de papier ou image vidéo, les jeunes artistes exploitent toutes les techniques marionnettiques pour aborder des sujets qui les touchent ou les captivent, les ébranlent ou les indignent. Certains ont tout juste obtenu le diplôme national supérieur de comédien à l’École du Théâtre national de Strasbourg, à l’École nationale supérieure des arts de la marionnette de Charleville-Mézières ou ailleurs. D’autres sont autodidactes, scénographes, plasticiens, acrobates ou musiciens. Forgeant leur propre langage à la lisière de la danse, de la musique et de la marionnette, ils dépeignent un monde que nous n’acceptons pas toujours de voir. Ils nous exhortent à porter un regard intime sur l’insaisissable, sur tout ce qui ne fait pas le «buzz» ; sur les parcours de vie d’inconnus ; sur les blessures et les joies inscrites au plus profond des corps et des objets ; sur des fragments de notre société, pas toujours visibles à l’œil nu…
Pour cette 12e édition, quatorze compagnies émergentes livrent ainsi des créations avec une liberté de ton, de sujets et de formes. Ces jeunes artistes sont à découvrir à travers des soirées-parcours dans les 5e, 19e et 20e arrondissements de Paris.
Voici le programme proposé au Théatre Mouffetard :
Librement adapté du conte de Barbe Bleue
La curiosité est un vilain défaut dit-on. Les trois femmes de Barbe-Bleue devront l’apprendre à leurs dépens. Le spectateur suit leur parcours, de la découverte du faste château à l’énoncé du célèbre interdit, de la transgression jusqu’à la mise à mort. Dans cette version burlesque du célèbre conte, cage à oiseau, gants en caoutchouc et couteaux à huître escortent l’héroïne naïve dans son rite de passage sanglant. Et si la désobéissance ne signifiait pas forcément la condamnation mais plutôt la renaissance ? Si malgré la transgression, l’herbe continuait de verdoyer et le soleil de poudroyer…
Mardi 29 mai – 18h45. 20h.
Mercredi 30 mai – 18h45. 20h.
Jeudi 31 mai – 19h30. 21h15.
Au milieu d’un nuage de cendres, G et D cherchent un truc. Ils cherchent à sortir, ils cherchent à rentrer, ils cherchent à rester, ils cherchent la lumière, ils cherchent l’étincelle, coûte que coûte, quitte à se brûler les ailes. Bref, ils cherchent un truc. Oui, mais voilà, y’a pas de truc. Rien dans les mains, rien dans les poches, Laura Fedida insuffle un vent libertaire à ce tête-à-tête schizophrène. Electrisé par la musique de Ian Curtis ou de Bertrand Cantat, ce solo pyromane célèbre le nihilisme et l’urgence de la folie. Une ôde jouissive et survoltée au mouvement punk-rock.
Mardi 29 mai – 19h30
Mercredi 30 mai – 19h30
D’après le roman de Juan Mayorga
Quelque part près de Berlin durant la Seconde Guerre mondiale, un inspecteur de la Croix Rouge obtient la permission de visiter un camp d’internement. Traversant le camp en compagnie du commandant, un homme souriant et cultivé, et de Gottfried, le maire juif, l’inspecteur croit voir une ville ordinaire. Pourtant quelques signes ne trompent pas et troublent vite cette apparente normalité…
Au-delà du fait historique, la pièce interroge la place de l’homme dans le grand théâtre du monde. Parce que la marionnette est aussi l’art de la manipulation, Simon Jouannot s’en sert subtilement pour mettre en lumière les mécanismes de l’illusion. Dans cette macabre mise en scène, chaque personnage a un rôle à jouer et doit taire une partie de lui-même pour que l’artifice fonctionne.
Mardi 29 mai – 21h
Mercredi 30 mai – 21h
Surgissant du noir, une épaule, un pied, une cuisse, une poitrine… Dressant un inventaire méticuleux de leur propre corps, un couple se scrute et se confronte. On éclaire à la lampe de poche un détail, on s’arrête sur un fragment de corps. Le reflet du miroir fait écho à sa propre symétrie. Explorant leur enveloppe corporelle avec une consciencieuse précision, les deux comédiens font de leur peau la matière première de ce singulier protocole d’expériences. Entre spectacle et performance, ils s’interrogent : prisonnier d’un enclos charnel, pouvons-nous vraiment rencontrer l’autre ? Et si notre propre identité ne se forgeait qu’en se confrontant à l’autre ? Si chacun n’était lui-même que dans l’altérité ?
Jeudi 31 mai – 22h
Vendredi 1er juin – 22h
Martin a toujours vu son grand-père les mains dans les tubes de colle, fabriquant des maquettes de sa ferme… Muni d’une boîte à outils et d’une étonnante dextérité, il raconte aujourd’hui l’histoire de cet homme, agriculteur de profession et surtout « Roi de la bricole ». À grand renfort de clous, de boulons et de vis, il refaçonne la vie de cet homme qui lui a tant transmis. Mais tandis qu’il relate les petites anecdotes d’un village perdu en Picardie, c’est la tragédie, celle de la Grande Guerre dont la terre porte encore les stigmates, qui s’invite à la table. À travers le filtre de ses souvenirs d’enfance, il porte un regard joyeusement naïf sur cette histoire intime partagée par des milliers d’hommes.
Vendredi 1er juin – 20h15
Que seriez-vous prêt à sacrifier pour séduire les autres ? C’est une question simple qui pourtant met en jeu notre propre identité, notre apprentissage de la vie avec les autres, ceux qui nous entourent, ceux que l’on envie, qui nous impressionnent et dont on voudrait percer le mystère. À partir de négatifs abandonnés, oubliés, parfois vendus, Maëlle Le Gall présente ce mini drame photographique et musical pour nous raconter l’histoire de la solitude enfantine. À travers un dialogue instantané et sensible, elle emporte le spectateur par la poésie de l’image en noir et blanc dans une plongée vers nos mondes intérieurs.
Vendredi 1er juin – 19h45. 21h15
Samedi 2 juin – 18h30. 20h. 20h30
Dimanche 3 juin – 16h. 17h30. 18h
Les souvenirs d’enfance s’arrêtent parfois sur des détails inattendus. Le sifflement d’une bouilloire dans la cuisine, le claquement des talons de sa mère sur le parquet du salon, les fichus qui grattent et que l’on met pour sortir l’hiver. Retraçant les rituels quotidiens d’une famille en Lituanie, Jurate Trimakaite se remémore les étapes d’une journée qui aurait dû être ordinaire. Pour créer ce spectacle, la comédienne et metteure en scène s’est appuyée sur des témoignages d’hommes et de femmes lituaniens déportés pendant leur enfance sous l’occupation soviétique. Grâce au pouvoir métonymique de l’objet, elle dévoile les souvenirs morcelés d’un enfant devenu grand, révélant dans le même temps la nature parcellaire de la mémoire.
Samedi 2 juin – 19h
Dimanche 3 juin – 16h30
L’écriture ciselée et jubilatoire de Guillaume Poix résonne sur cette dalle au pied de l’immeuble.
Ici, l’ennui est partout et de l’ennui émergent des angoisses, des mots acérés, des sentiments aussi. Au sein du groupe, à tout moment l’ordre peut se renverser. Les privilégiés qui brillaient le matin peuvent tomber le soir. Ces jeunes sont des funambules peinant à trouver l’équilibre dans une société dans laquelle ils rechignent à s’intégrer. Tel un métronome, la viole de gambe accompagne les mouvements agiles des marionnettes à gaine chinoise, leur impulsant leur rythme, léger parfois, brusque, souvent. Une symphonie chorale universelle qui interroge notre besoin d’exister pour l’autre avant de se trouver soi-même.
Samedi 2 juin – 21h
Dimanche 3 juin – 18h30
Publié le 25 avril 2018